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Cayou à Moscou
30 septembre 2012

Dans la série “ça n’arrive qu’à moi” : la crevaison par -19ºC

Nous sommes début mars 2009. Je viens de déménager de Kolomna, petite ville de la région moscovite, pour habiter la grande Moscou. Seulement, il me reste encore périodiquement du travail à l’usine de Voskressensk. Je fais donc des allers-retours réguliers Moscou-Voskressensk sur une journée.

Cette fois-là, j’allais faire trois bricoles dans l’usine et récupérer de la documentation : la bagatelle d’une quarantaine de classeurs A4 d’une dizaine de centimètres d’épaisseur pleins de papiers.

Je pars donc vers 8h15 du matin de Moscou au volant de mon carrosse, la tenue de chantier nécessaire à ma visite dans l’usine par -15ºC dûment chargée dans le coffre. Arrivée sans encombre à Voskresensk vers 10h30, j’officie dans l’usine, troque ma tenue de chantier pour ma tenue « civile » puis suis invitée à déjeuner par un responsable de l’usine.

Je m’attelle ensuite à la fameuse documentation que je suis venue chercher. Après plusieurs heures fastidieuses de tri dans les archives de l’usine, j’ai trouvé la quarantaine de classeurs que je dois ramener à Moscou.

Le responsable des archives, voyant la masse que j’ai à charger dans la voiture, m’assigne deux de ses collègues pour m’aider à tout transporter, ce qui est fait après 5 allers-retours. Donc, j’ai testé pour vous : quarante classeurs, ça rentre dans le coffre d’une Logan. Voilà.

17h15 : la documentation est chargée, il ne me reste qu’à reprendre la route pour Moscou. Je me dis « Formidable, ça a été plus vite que je ne pensais, je serai tôt à la maison ce soir ! ».

17h20 : le temps de fumer une cigarette, je tourne la clef de contact et démarre, direction Moscou.

17h50 : je m’arrête prendre un café à ma station-essence habituelle.

17h55 : alors que j’ouvre la portière passager pour poser mon sac à main après avoir bu mon café, une des pompistes m’interpelle. Je ne comprends pas au premier abord ce qu’elle me veut. Puis comme elle montre avec insistance l’arrière de mon véhicule, je finis par comprendre : mon pneu arrière gauche est crevé. Merde.

17h56 : pas de panique, je suis peut-être une femelle mais je sais changer une roue, moi, j’ai fait les scouts où j’ai appris à changer une roue de camion alors ça n’est pas une pauvre roue de Logan qui va m’inquiéter.

17h57 : je percute que la roue de secours est sous les quarante classeurs de documentation qui sont dans mon coffre. Re-merde.

18h07 : j’ai fini de trimballer les quarante classeurs du coffre à la banquette arrière. Je sue.

18h08 : je dévisse la roue de secours du coffre.

18h09 : la roue de secours est à plat. Fuck.

18h10 : je vais m’enquérir auprès de l’aimable pompiste de la possibilité de regonfler ma roue de secours avec les équipements que je suppose à disposition dans la station service. Elle me dit que oui, oui, il y a quelque chose pour regonfler les pneus dans l’atelier attenant mais là, ça va pas être possible parce que l’atelier, ben voyez-vous ma bonne dame, il ferme à 17h. Je me demande si elle se fout de ma gueule mais apparemment non.

18h11 : là, je commence à paniquer. Comment je vais faire pour rentrer à Moscou sur trois roues, moi ?

18h12 : en désespoir de cause, j’appelle Sergey, le responsable du parc des véhicules auquel appartient ma Logan avec 2 pneus sur 5 à plat. Je lui explique que je suis un peu bloquée à 80 km de Moscou dans une station essence avec 3 roues sur 5 opérationnelles alors que la voiture vient de passer le contrôle technique, il fait -19ºC et je ne sais pas quoi faire. Il me répond qu’il peut être là dans 3 heures. Je me demande si il se fout de ma gueule mais apparemment non. Je lui réponds de laisser tomber.

18h15 : après 3 minutes de réflexion intense, je me dis que :

  1. Je commence à me les geler. Au diable le style, j’enfile donc ma combinaison de chantier verte.
  2. Je vais commencer par démonter le pneu crevé, ce sera ça de fait, on verra après pour la roue de secours dégonflée.
  3. Je suis dans une station essence sur une route plutôt fréquentée, il y aura bien quelqu’un qui aura la bonne idée d’avoir un compresseur dans sa voiture.

18h16 : je sors le cric et la clef qui va avec du coffre.

18h17 : je m’aperçois que la personne qui a utilisé le cric avant moi ne savait visiblement pas que le crochet était destiné à aller dans le trou prévu à cet effet dans le bas de la carrosserie et qu’il n’était pas fait pour poser la voiture dessus. Bon, c’est un détail.

18h18 : le pas de vis du cric est grippé et pas moyen de l’utiliser. Bordel.

18h19 : il y aura bien quelqu’un qui aura un cric en état de marche dans sa voiture… Je vais commencer par desserrer les boulons de la roue crevée, ce sera ça de fait.

18h20 : je reprends la clef et commence à essayer de desserrer les boulons.

18h30 : aucun des quatre boulons rouillés par le sel de la route hivernale n’a bougé d’un iota malgré mes efforts. Shit.

18h31 : je suis désespérée.

18h33 : je fume une cigarette en attendant d’avoir une idée de génie.

18h35 : je retourne prendre un café.

18h45 : je réessaye de desserrer les boulons sans plus de succès.

18h46 : un homme qui visiblement m’a prise en pitié s’approche, me prend la clef des mains et va pour me montrer que ça n’est pas une tâche pour une femelle en me faisant une démonstration de sa force virile.

18h47 : il n’a pas réussi à faire bouger le premier boulon et sa force virile a cassé en deux ma clef. Le mâle pousse un grognement accompagné d’un juron. Putain.

18h48 : il retourne à son véhicule, farfouille dans son coffre et revient avec une clef.

18h53 : sa force virile et sa clef sont venues à bout du premier boulon.

18h56 : sa force virile et sa clef sont venues à bout du deuxième boulon.

19h05 : sa force virile et sa clef n’arrivent pas à venir à bout du troisième boulon. Il retourne à son véhicule, farfouille dans son coffre et revient avec ce que j’identifie comme une bombe de dégrippant.

19h09 : sa force virile, sa clef et son dégrippant sont venus à bout du troisième boulon.

19h14 : sa force virile et sa clef viennent à bout du quatrième boulon. L’homme me demande mon cric. Je lui réponds qu’il est cassé. Le mâle pousse un grognement accompagné d’un juron. Il retourne à son véhicule, farfouille dans son coffre et revient avec son cric.

19h17 : la voiture est sur le cric et la roue crevée est démontée. L’homme me demande ma roue de secours. Je lui réponds qu’elle est dégonflée. Le mâle pousse un grognement accompagné d’un juron. Il part avec ma roue de secours à la station service.

19h32 : l’homme revient avec ma roue de secours gonflée. Il a visiblement trouvé quelqu’un qui avait la clef de l’atelier.

19h45 : ma Logan est prête à repartir. Je remercie l’homme et lui propose de lui offrir quelque chose à boire ou à manger pour le remercier. Il décline en me disant qu’il est pressé.

19h50 : je vais reprendre un café et enlever ma combinaison de chantier.

19h55 : je repars pour Moscou. En temps normal, il me resterait 1h30 de route en roulant à la vitesse habituelle mais je ne dépasse pas les 80 km/h de peur de perdre ma roue arrière serrée à la main.

22h43 : je me gare en bas de chez moi à Moscou. J’aurais été rentrée 3h30 plus tôt si je n’avais pas crevé. Encore une belle journée d’échec qui s’achève.

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Commentaires
C
Oui, tu comptes bien, il m'a accorde une heure. Mais les Russes, sous leurs dehors bourrus peuvent parfois etre tres sympathiques. Et gratuitement en plus. En fait, c'est en arrivant en Russie que j'ai compris le sens du mot gentillesse.<br /> <br /> <br /> <br /> Mon sauveur etait russe, oui. <br /> <br /> <br /> <br /> Pour les jurons russes, oui, ils sont du meme acabit mais leur valeur est beaucoup plus vulgaire et il vaut mieux s'abstenir de les utiliser en dehors des chantiers ou de circonstances bien particulieres.
G
Eh bien si je calcule correctement, cet homme inconnu et pressé t'a accordé une heure de son temps.<br /> <br /> Bon, c'est vrai qu'au départ, il pensait sans doute naïvement :<br /> <br /> - que les boulons de ta roue se dévisseraient facilement<br /> <br /> - que ton cric serait en état de fonctionner<br /> <br /> - que ta roue de secours seraient gonflée<br /> <br /> Je compatis bien que la situation, cette fois, ait été quand même moins tragique que dans la "gare" du bout du monde.<br /> <br /> Désolée, j'ai éclaté de rire (c'est pas gentil, ça !!!)à la lecture de la roue de secours SOUS les 40 classeurs...<br /> <br /> C'est vraiment une histoire à la russe : contrôle technique super efficace, utilisateur précédent de la Logan très très soigneux et consciencieux.<br /> <br /> Et même ta clef pour dévisser la roue, c'était de la m.... (autre hypothèse, ton sauveur était un colosse ; ah mais non, un colosse à la force virile qui doit utiliser du dégrippant, ça le fait pas !!!)<br /> <br /> J'imagine que sur le moment tu as pu vivre cette journée comme un échec mais, avec du recul, tu as pu te rendre compte :<br /> <br /> - que cet homme, quoique pressé, était fort serviable (oui, bon, au départ il voulait peut-être effectivement montrer sa force virile mais n'empêche, il ne t'a pas laissé tomber)<br /> <br /> - qu'il a su trouver le moyen de faire ouvrir un atelier fermé, bravo !!!<br /> <br /> - qu'il ne t'a rien demandé en retour<br /> <br /> J'en déduis que, force virile ou pas, il y a quand même des gens bien partout, y compris par -19°, à 80 km de Moscou.<br /> <br /> Le plus vexant, c'est que tu aurais pu le faire toi, si.... les boulons, le cric, la roue de secours.... mais là, ça aurait été moins drôle !!!<br /> <br /> J'ai bien ri, à l'énoncé de la succession des multiples jurons.<br /> <br /> Au fait, ton sauveur, c'était un Russe ?<br /> <br /> Les jurons russes sont-ils du même acabit que les nôtres ?<br /> <br /> En tout cas, merci pour ce nouveau récit encore plein d'humour.<br /> <br /> Je m'y croyais !!!!
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