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Cayou à Moscou
17 décembre 2006

Nouvelles en vrac

Oui, oui, je sais, mon blog n'est pas vraiment "temps réel" mais pitié, ne m'en voulez pas, j'ai plein de mauvaises bonnes excuses (que je ne vous donnerai pas pour éviter d'exposer au grand jour la flagrante mauvaise foi que j'utilise pour camoufler mon indolence).

Donc, après 10 jours de silence radio, je vais essayer de faire un peu violence à mon cortex paresseux pour assouvir votre insatiable soif de mes brillantes inepties mi-figue, mi-raisin.

Tout d'abord, cette semaine, comme bien d'autres avant elle, a été rythmée par les entrevues avec ma tutrice (à raison de trois séances d'une heure et demie à deux heures). Que faisons-nous pendant ce temps-là ? Non, non, nous ne prenons pas le thé en discutant des absurdités d'un quelconque magazine féminin destiné à récurer le cerveau des lectrices tout en les aidant à se sentir suffisamment moches pour qu'elles courent acquérir la dernière crème anti-rides ou anti-cellulite aux céramido-aminases de provitamine X13 qui les aidera à se sentir mieux en une nuit et sans effort (comme le disent les 90% de satisfaction des cobayes humains ayant testé sur elles-mêmes ladite crème) parce que dans notre joli monde plein de bisounours roses et de petites fleurs qui sentent bon, le mal-être des gens, ça fait marcher le commerce. Youpi ! Mais je m'écarte un peu du sujet.

Donc, pour en revenir aux entrevues susnommées, leur déroulement est assez simple et immuable. Une fois que nous avons réussi à nous trouver au même endroit en même temps, ma tutrice et moi-même nous disons bonjour, nous enquérons mutuellement par pure politesse de comment nous nous portons, discutons cinq minutes de l'actualité quand il y a lieu puis elle m'aide à me préparer à l'examen pour sa propre matière (puisque je suis un cours avec elle).

Je ne sais plus si je vous ai dit que tous les examens, dont l'ombre effrayante approche au galop, se passent à l'oral (en russe, bien évidemment) et leur préparation se fait donc également à l'oral. Les rendez-vous avec ma tutrice sont par conséquent assez éprouvants pour moi en raison du surplus inhabituel d'utilisation de la langue russe dont je dois me servir.

Bien sûr, c'est un "mal" nécessaire mais je sors de ces entretiens vidée de toute substance parce que toutes mes ressources processeur sont exploitées pour que mes connaissances en grammaire se mettent en pratique en temps réel afin de décliner correctement pronoms, adjectifs, noms et chiffres, pour que les mots me viennent à l'esprit, pour conjuguer de façon adéquate, etc. Il est vrai que ces tête-à-tête me contraignent à assimiler pas mal de vocabulaire mais les doses massives me conduisent souvent à une indigestion qui clôt ensuite pour un temps certain mon cerveau à toute chose à apprendre ou de façon plus générale, à tout ce qui demande un tantinet de réflexion.

D'un point de vue plus concret, ma tutrice m'a donné une liste de 45 questions susceptibles d'être posée lors de l'examen, elle me dicte certaines réponses que j'apprends ensuite plus ou moins par coeur pour être capable de les ressortir en les mettant un peu à ma sauce.

Comme je l'ai déjà mentionné, ces entrevues sont assez difficiles avant, pendant et après mais heureusement, ma tutrice est vraiment très gentille et elle se montre compréhensive avec moi, ce qui me facilite un peu la tâche et j'ai la chance qu'elle s'occupe bien de moi, ce qui n'est pas le cas des autres Français à qui on a assigné des tuteurs ou tutrices légèrement je-m'en-foutistes d'après ce qu'ils m'en ont dit.

Samedi dernier, j'ai aussi participé à une fête au parfum international pour célébrer l'anniversaire d'un Français et d'un Italien qui vivaient dans notre cité U. En dehors du côté anecdotique de la chose, les soirées auxquelles je suis allée depuis le début de l'année ont souvent eu ce que j'ai appelé le "parfum international" parce qu'elles ont regroupé pour un soir des jeunes gens français, russes, tchèques, italiens, etc (ce qui rend d'ailleurs les présentations un peu inhabituelles voire surréalistes puisque la première question posée n'est pas pour savoir comment se nomme notre interlocuteur mais de quelle nationalité il est et quelle langue il parle, sachant que les premiers contacts se font en russe vu que c'est la seule langue que la totalité des participants aient en commun).

De ce point de vue, ces célébrations représentent beaucoup plus qu'une simple occasion de boire un coup entre amis. C'est une façon de se lier d'amitié (peut-être pas jusqu'à ce point-là...il s'agit en fait de parler un moment et d'échanger nos numéros de téléphone pour se revoir ultérieurement, s'échanger bons plans, recettes et photos ou pour se rendre divers services) avec des personnes qu'on n'aurait probablement rencontrées autrement et de parler russe sans complexe avec un cercle de jeunes gens qui ont développé la patience nécessaire pour écouter et comprendre le langage russe des étrangers qui est souvent loin d'être parfait.

Dimanche dernier, je me suis ensuite attelée à la lourde mission quasi-divine de préparer des crêpes en quantité suffisante pour nourrir tout l'étage. Ma production crêpière a d'ailleurs été qualifiée de stakhanoviste par l'un des Français pour lesquels j'avais concocté le tout. Devant les regards curieux des Birmans qui passaient dans la cuisine, j'en ai profité pour prêcher le plaisir crêpier en leur proposant de les goûter.

A cette occasion, l'un d'eux m'a fait goûter une curieuse soupe de poisson (je suis une warrior ! ;)), j'ai pu un peu discuter avec lui vu qu'il parle très bien anglais et il m'a raconté quelques bricoles au sujet de l'Académie Militaire d'où viennent la plupart des Birmans étudiant à Moscou. Ben, c'est pas la joie.

La "scolarité" (c'est plutôt du camp d'entraînement en fait) dans cette université se déroule en 6 ans. Outre les aspects typiques de la plupart des écoles militaires comme les réveils à l'aube, le port de l'uniforme et le sport obligatoire, il y a des choses qui m'ont paru un peu différentes des échos que j'ai pu avoir au sujet des écoles militaires françaises.

Jusqu'à la cinquième année, les jeunes hommes dorment dans des dortoirs (en sixième année, ils ont le droit à une chambre individuelle) où ils n'ont pas le droit de garder de la nourriture. Si l'un d'eux est pris en possession de nourriture, il se fait tabasser par ses chefs. Les coups de ceinturon sont, paraît-il, chose fréquente, encore qu'il semble qu'un arrêt soit entré en vigueur récemment pour interdire ce genre de violence physique.

Ce Birman m'a aussi expliqué quelques exemples de punitions que les supérieurs peuvent infliger aux "élèves". Les chefs peuvent par exemple les obliger à rouler sur eux-mêmes pour aller d'un bout-à-l'autre d'un champ grand comme deux terrains de football. Il paraît que lorsqu'ils sont autorisés à se remettre debout, les punis vomissent tout ce qu'ils ont dans le ventre et que leur corps est presque en sang.

Une autre punition est de mettre les poings du puni sur des canettes posées au sol, de lui surélever les jambes pour que tout son poids repose sur ses mains et de le laisser un certain temps comme ça. Une autre est de demander au puni de rester debout en tenant une chaise au dessus de sa tête pendant une ou deux heure(s). S'il détend les bras, que la chaise repose sur sa tête et que quelqu'un le voit, le puni se fait tabasser.

En dehors des punitions, il semble que les conditions d'hygiène soit quasiment inexistantes et que les "étudiants" n'aient pas accès aux soins. Apparemment, il y a aussi dans la scolarité une part de travail forcé mais je n'ai pas très bien compris de quel genre de travail il s'agissait.

Enfin, il paraît que dans ces camps d'entraînement, les jeunes hommes perdent l'habitude d'être triste ou heureux, ils subissent ou font les choses uniquement parce que c'est comme ça.

Le Birman qui m'a expliqué ça m'a raconté le tout avec un grand sourire qu'il a justifié en me disant que c'était fini maintenant, qu'il se sentait libre à Moscou et que de toutes manières, les choses se passaient comme ça dans son pays qui reste l'un des mauvais élèves en matière d'application des Droits de l'Homme. Je comprends pourquoi.

Bon, mon intention n'est pas de vous faire baisser le moral mais je voulais vous sensibiliser comme je peux à l'un des nombreux problèmes rencontrés au Myanmar (dont l'ancien nom était la Birmanie) qui est un pays au régime totalitaire dans lequel des régions entières n'ont toujours pas l'électricité ni l'eau courante, dans lequel les systèmes de communication sont quasiment absents et où la technologie qui pourrait faire marcher une économie autre que le tourisme n'est pas encore arrivée.

On pense plutôt à la Chine quand on parle de dictature mais je crois qu'il est important de savoir qu'elle est loin d'être un cas isolé. Enfin, quand j'ai dit à certaines personnes de mon entourage que je partais en Russie (enfin, à Moscou, ça diffère fortement de si j'étais partie au fin fond de la Sibérie) et devant leur réaction montrant qu'ils considèrent la Russie comme un pays fortement inhospitalier, je crois qu'il est bon que je précise que la vie ici est loin d'être difficile (pour moi, Française) et qu'à mon avis, il y a plus à plaindre et à blâmer que les Russes et la Russie.

A propos de Russie, revenons à mon nombril et à des sujets un peu plus légers. Mardi, j'ai expérimenté un TP dans une matière différente de celui dont je vous avais parlé il y a un petit moment. Le déroulement a été différent puisque j'étais toute seule avec le prof, ça n'a donc pas été vraiment du travail acharné vu qu'il m'a d'abord offert un café et qu'on a discuté un moment. Ce professeur dont les cours sont soporifiques est un vieux monsieur très gentil. Il m'a expliqué qu'il avait appris le français à l'école (il y a 50 ans), que la France l'intéressait beaucoup et qu'il regardait souvent des émissions sur l'architecture, les villes et les campagnes françaises.

J'ai été assez surprise de l'intérêt qu'il porte à la France mais qui semble ne pas être un fait isolé puisqu'il y a quelques temps, j'étais au marché géant de Tcherkizovskaya et une dame que j'ai croisé m'a lancé plusieurs bonjours insistants en me confondant apparemment avec l'une de ses connaissances. Quand je lui ai dit que j'étais française, elle a appelé deux de ses amies et elles m'ont demandé de parler de la France, de Paris, etc.

Qu'on se le dise donc, les Russes n'aiment pas particulièrement les étrangers mais ils font visiblement une exception pour les Français. J'ai d'ailleurs pu observer l'aversion particulière qu'ont les Russes envers les Américains lors d'une sorte de spectacle étudiant où de nombreux sketchs se moquaient ouvertement de Bush, de Mac Donald, du rap américain, etc.

Ce spectacle rassemblait plusieurs groupes d'étudiants des différentes facultés de BMSTU, notamment les deux grandes "ennemies" Energ' (énergie) et SM (missiles et fusées). Il s'agissait de prestations de qualités et de bon goût avec entre autres de sublimes demoiselles trémoussant leur popotin au rythme de "Barbie girl", hymne qui me fut chère lors de la période acnéique de ma pré-adolescence.

A l'opposé de ce spectacle qui se complaisait dans le médiocre, j'ai assisté mardi dernier à un concert du choeur international de Moscou qui a chanté du Britten et des chants de Noël. Le public et la prestation étaient "super classes" et le concert avait lieu dans une très belle cathédrale (Cathédrale des Anglais, une rare cathédrale gothique dans le centre de Moscou).

Dans la salle, on parle peu russe et de rang en rang, on entend tour à tour du chinois, de l'anglais, du français, du finnois, du danois, etc. Enfin, bref, j'ai bien aimé.

Pour terminer, je me suis lancée dans l'achat d'un téléphone portable et d'une carte SIM russes en ne connaissant que quelques mots utiles comme téléphone, carte SIM, téléphoner, en France, pas cher. Le vendeur a réussi à comprendre ce que je voulais (miracle !) et moyennant la présentation de mon passeport et un petit quart d'heure de mon temps, je suis ressortie avec carte SIM et téléphone en pensant qu'il est rudement plus simple d'acheter un téléphone ici qu'en France.

Bon, voilà, je crois que je vous ai à peu près tout raconté, je retourne donc travailler quelques moments ou faire un peu d'intendance. Je vais essayer de poster un peu plus régulièrement mais je ne peux rien promettre donc d'avance, mes plus plates excuses si le blog reste en jachère encore quelques temps.

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Commentaires
M
Je suis plongée dans la lecture de ton blog depuis plusieurs jours. J'adore. Vite j'y retourne. a bientôt
C
Rasta > tu n'exagères pas un peu au sujet du pire ? :D Mais bon, merci pour le compliment.<br /> <br /> Ed > Physiquement, ça n'a peut-être pas beaucoup changé (encore que ça dépende des quartiers) mais je crois que la chute de l'URSS a tout de même modifié beaucoup de choses dans le mode de vie et la mentalité des Moscovites...<br /> <br /> Martial > le russe est plus ou moins incroyablement difficile que le géorgien ? ;) parce que même si la grammaire russe et le vocabulaire est un peu pénible, la prononciation reste assez proche du français, ce qui ne semble pas être le cas du géorgien. <br /> Bonne continuation également !
M
Je me suis passablement retrouvé dans cette partie là: "...vocabulaire mais les doses massives me conduisent souvent à une indigestion qui clôt ensuite pour un temps certain mon cerveau à toute chose à apprendre ou de façon plus générale..." mais heureusement je n'ai pas d'examen... et certainement que j'en serais incapable...<br /> Cela dit le russe est incroyable... et incroyablement difficile !<br /> <br /> A+ et bonne continuation<br /> Martial, Moscou
E
Bonjour, je mets votre blog dans mes favoris pour y revenir. Les notes sont longues et denses ! Mon dernier séjour en Russie date de 1987 !!! Merci pour toutes ces photos. Cela n'a pas tant changé que cela.
R
Qu'est ce que tu veux, on s'habitue au pire, c'est à dire à ne rien lire de toi (hu hu !!!), donc j'étais plus allé sur ton blog depuis un moment.<br /> Bel effort !!!<br /> Gros poutou
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