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Cayou à Moscou
22 novembre 2006

Travaux pratiques de langue

Je ne vous ai pas encore relaté le déroulement de ma première séance de travaux pratiques à BMSTU mais je vais y remédier sur le champ. Je dois toutefois vous avertir que mon cerveau louvoyant actuellement dans une mer cotonneuse instaurée par un coryza glaireux additionné à d'autres affections joyeuses de ma sphère ORL dont je vous passerai les détails, le récit sera écrit par Herbert, mon poulpe empaillé. Ne partez pas, vous ne perdez rien au change, le cher céphalopode taxidermisé est nettement plus prolixe et plus doué que moi pour l'écriture de prose saugrenue.

Il était indispensable que je fournisse ces indications pour que les méchants mal-pensants n'imaginent pas dans les viles limbes tortueuses de leurs mauvais esprits que je parle de mon moi à la troisième personne du singulier par mégalomanie ou narcissisme. Bien. Cela étant établi, je vous confie aux papules et ventouses gluantes mais affectueuses d'Herbert pour regagner ma meilleure amie du moment, à savoir ma boîte de mouchoirs en papier.

 

Carùpskjsdghkq hdjqdfqhf shshqqazoeoep blp (ndlt: "bonjour mes chers lecteurs" en poulpais. Pour des raisons évidentes de lisibilité, le texte suivant sera directement traduit du poulpais au français.)

L'historiette se déroule à Moscou par un jeudi ordinaire donc aqueux, frigorifique et gris.

Votre protagoniste franco-moscovite préférée ouvrit laborieusement ses yeux hagards sur les coups de 10 heures.

Toutes canines dehors, elle erra tel un tyrannosaure affamé dans la jungle protohistorique de sa chambre à la recherche d'une pâture susceptible de combler son estomac saurien. Son dévolu se porta sur une innocente et faible tranche de pain qui paissait paisiblement dans un sachet Harry's. Après le violent assaut, la tartine se recouvrit d'une couche sanguinolente de confiture de framboise. L'épisode de barbarie matinale achevé, le féroce dinosaure tenta tant bien que mal de se vêtir tout en gardant ses griffes acérées crispées sur sa victime boulangère dont le corps mou émettait encore quelques spasmes, probablement dûs au couteau à beurre enfoncé dans son système nerveux.

Après ces agissements sadiques, effrénés, épuisants et luisants d'efficacité qui lui prirent 45 minutes, la saurienne des temps modernes s'accorda une pause bien méritée, non pas à cause de la fatigue inhérente aux exploits susnommés mais pour se livrer à un débat intérieur acharné suffisamment primordial pour qu'elle et son cerveau soucieux sursissent céans (admirez l'allitération. Ne prenez pas ça pour de la masturbation intellectuelle. En tant que poulpe diplômé de lettres, je me dois de vous initier aux bonheurs de la langue française, pour ne pas dire aux joies insoupçonnées du gongorisme. Là, par contre, je vous le concède, c'est bel et bien de l'onanisme moral.:)) leurs activités de routine (et je fais des phrases longues si je veux.).

Ainsi, affublée d'une chaussette, d'un pantalon et de sa chemise de nuit, la larve dinosauro-humanoïde qui se gaussait du ridicule stoppa net le peu de mouvements qui l'animaient, laissant uniquement ses activités cardiaques et masticatoires troubler le silence de la jungle hostile et terrifiante peuplée de cancrelats.

Un dilemne hantait son brillant esprit. Esprit (admirez l'anadiplose ;)) qui ne savait que faire face au choix cornélien qui présentait son ignoble crâne bifide devant la jeune humanoïde désemparée. Elle devait départager deux solutions comportementales en réaction au TP de 11h30 qui avait engendré le débat :

- plan A : prêter oreille à sa scandaleuse indolence et ressentir après coup une inénarrable culpabilité en choisissant l'alternative aguicheuse de ne pas aller en TP (sous un quelconque prétexte fallacieux tel que "J'ai oublié", "Je n'ai pas trouvé la salle" ou "Il y a eu une fuite dans ma salle de bain et moi seule pouvait sauver la situation").

- plan B : ne pas prêter oreille à l'appréhension qui étreignait ses boyaux gargouilleurs et user un suppositoire de cran doublé d'un coup de pied au cul postérieur en choisissant d'assister au TP de la mort (autrement dit, avoir les couilles le courage de travailler 3 heures avec des étudiants russes auxquels elle devrait obligatoirement parler en russe en essayant de ne pas trop se ridiculiser sortir son plus bel accent du dimanche).

- plan C : simuler un disjonctage psychologique en sautant toute nue dans le couloir et en se frappant la tête contre le mur (non, ça, c'était une blague, votre héroïne adulée n'a pas pensé un seul instant à un tel plan. Quoique...)

Votre médisance va assurément vous mener à songer que l'humanoïde choisit le plan A. Je suis au regret de vous annoncer que vous fûtes eus, vous vous êtes trompés en beauté. La feignante mais néanmoins courageuse étudiante opta, après une argumentation interne à faire pâlir la figure poudrée des plus grands ténors du barreau, pour le plan B. Elle mit ensuite à profit le dernier quart d'heure qui lui restait avant de partir affronter son funeste sort pour s'habiller et préparer ses menus effets.

Le décollage de l'humanoïde s'effectua à 11h15. En chemin pour l'université, elle se murmurait pour se donner une contenance "C'est le moment de montrer ce que tu as dans le ventre" mais une petite voix malfaisante rétorquait "Ce que tu as dans le ventre ? C'est un métal rare appelé le trouillodium, c'est bleu et ça a le goût de poule mouillée". Le gazouillement malintentionné n'avait pas entièrement tort mais dans le cadre de la positive attitude chère à Lorie (on a La Culture ou on l'a pas, hein :)), il fallait à tout prix remiser ces pensées parasites au placard.

Aussi dévastatrice que soit sa tempête intérieure, la Franco-Moscovite franchit les lourdes portes démesurées de BMSTU à l'heure, ce qui n'était pas chose acquise vu le gaspillage temporel que ses préparatifs (et sa mutation en tyrannosaure) avaient engendré.

N'ayant pas la moindre idée de la salle de torture dans laquelle son destin allait se jouer, elle attendit comme une âme en peine dans le grand hall en espérant qu'un visage familier l'aiguillerait vers l'endroit approprié. Etant relativement physionomiste en plus d'être suprêmement timbrée, votre protagoniste reconnut une demoiselle de son groupe qui se dirigeait vers l'un des couloirs encore inexplorés de BMSTU. Telle une ombre, l'humanoïde francophone calqua ses pas sur ceux de sa camarade russophone qui menèrent à la pièce tant redoutée.

Avant d'entrer, la Française terrifiée aspira un grand bol d'air qui pour plus d'efficacité aurait dû être composé des vapeurs euphorisantes d'un quelconque produit prohibé. Quand elle pénétra dans la geôle qui allait la maintenir prisonnière pendant les heures à venir, les regards du professeur antédiluvien et des 9 étudiants présents se braquèrent sur la pauvre jeune fille, ne faisant qu'accroître l'indicible peur qui la tenaillait.

Le premier contact avec l'enseignant vêtu de chaussures trouées et d'un pull pisseux se révéla conforme aux pires craintes que la trouille avait formulées dans l'esprit de l'étudiante. Il se mit à râler en disant que 10 personnes dans sa salle, ça n'allait pas du tout et autres récriminations dont je vous passe le détail pour la simple et bonne raison que la majeure partie des accusations du bourreau furent noyées dans la pâtée informe de son flot de parole (comme c'est parfois le cas quand des messieurs très âgés parlent).

Une surprise agréable attendait néanmoins l'étudiante francophone qui suspendit pour un temps son envie de disparaître 6 pieds sous terre. Ses camarades sachant qu'elle parlait russe comme une vache espagnole, ils montèrent au créneau et prirent verbalement la défense de votre humanoïde cayouteuse. Le vieillard en furie se calma et entama des explications occultes sur les relais et autres composants de l'électrotechnique pendant que l'étudiante asseyait son postérieur sur une chaise.

Là encore, un oeuf de Pâques l'attendait. Les deux demoiselles à côté desquelles elle avait pris place manifestèrent l'envie de communiquer avec elle en lui demandant par feuille de classeur interposée si elle comprenait ce que le prof racontait. S'ensuivit une discussion écrite dans laquelle les trois étudiantes dirent mutuellement qu'elles ne comprenaient pas tout au discours électrique et pâteux de l'enseignant avant d'éclater de rire.

Les choses s'arrangeaient en fin de compte. Après une heure et demie à décrire le fonctionnement d'un relais et d'autres interrupteurs commandés, le professeur enjoignit de prendre place devant les plaques de tests. L'étudiante française fit alors plus ample connaissance avec ses compagnes Ira et Gallia qui lui présentèrent ses comparses de TP Anton, Andreï, Boris et autre Youri.

Le TP se déroula ensuite le plus normalement du monde, les trois filles papotant et gloussant pendant que les hommes, les vrais, s'occupaient de faire le montage demandé en ayant visiblement très peur de s'électrocuter avec une alimentation TBT à 24 V. Peut-être ne faut-il pas se moquer, on parle de matériel russe :).

Finalement, l'ensemble de la séance se déroula très bien en étant ponctué de rires et votre protagoniste trouillarde se trouva fort stupide d'avoir eu aussi peur maintenant qu'elle attendait presque avec impatience la séance de TP suivante.

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Commentaires
C
Oui, bien sûr, c'est un calembour. Mais la particularité de terrain connu/terre inconnue (bravo de me l'avoir rappelé celui-là !) et de écrivain/écrit vain, c'est qu'ils veulent dire sensiblement le contraire en se prononçant de la même façon,["Franchement, votre poulpe est un talentueux écrivain et il eut été dommage que ce fut un écrit vain"], ce qui est le principe même du bon (voire du très bon, n'hésitons-pas !) calembour.<br /> Amités, fidèle amie calembourgeoise
C
Si mon poulpe écrit à peu près convenablement, c'est parce qu'avant de pondre un quelconque texte, il passe un temps certain à vérifier l'orthographe dans le dictionnaire, à y chercher des synonymes pour enrichir son champ lexical, à contrôler les conjugaisons sur Le Conjugueur, à fouiner dans Wikipedia pour rechercher de la documentation...<br /> En résumé, il n'est pas plus talentueux que vous et moi, il travaille juste un petit peu pour écrire quelque chose de potable. Et 8 tentacules ne suffisent pas pour écrire vite, il faudrait aussi plusieurs cerveaux.<br /> <br /> Ecrivain / écrit vain > je ne sais pas si cette particularité à un autre nom qu'une sorte d'homonymie comme dans terrain connu/terre inconnue ou ces ares/césar/16 arts/ces arts/... Cependant, si je trouve le nom de cette chose, je vous en ferai part immédiatement.
C
Quand je pense que ce texte d'anthologie a failli disparaître !<br /> <br /> Franchement, votre poulpe est un talentueux écrivain et il eut été dommage que ce fut un écrit vain.<br /> Je vous montre ici l'une des subtilités rares de notre langue française ; je ne suis pas mécontent de cette phrase et j'ignore si elle porte un nom (du genre allitération ou anadiplose, que vous m'avez appris !)<br /> <br /> Mais votre poulpe empaillé a dû réécrire tout ça très vite grâce à ses huit bras (appelés aussi Tante Accule)...(c'est nettement moins subtil, pardon, mais il se fait tard... et le fêtard fatigue...)<br /> <br /> Je dépose un pudique baiser sur vos lèvres poulpeuses et vous souhaite une bonne nuit
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