J'ai testé pour vous: le marché de Tcherkizovskaya
La température ambiante baissant inexorablement, je me suis enfin décidée à partir à la recherche d'un vêtement qui m'offrirait une poilitude de taille à affronter le froid. Dans cette optique, j'ai questionné mon entourage sur l'emplacement de la caverne d'Ali Baba dans laquelle je pourrais trouver de quoi subvenir à mes besoins thermo-poilus. On m'a indiqué à plusieurs reprises le marché (rinok en russe) qui se trouve près de la station de métro Tcherkizovskaya. J'ai donc sollicité une nouvelle fois mes informateurs pour quérir de plus amples renseignements au sujet de l'endroit exact de ce fameux marché. Ils m'ont simplement suggéré de "suivre les gens". J'avoue avoir été un peu surprise de cette indication qui sonnait comme un indice à la Harry Potter.
Une fois sur place, effectivement, il suffisait de suivre le mouvant serpentin humain formé par les multiples acheteurs potentiels se rendant sur le marché. Je me suis donc insérée dans la file des personnes aux mains vides, croisant au fur et à mesure une quantité incroyable d'individus de tous âges, les bras chargés de paquets ou de sacs volumineux. Selon toute apparence, j'étais bien au bon endroit.
Après une dizaine de minutes de reptation au sein de cette marée humaine, je suis arrivée devant une sorte d'immense entrepôt sillonné par maintes allées, elles-mêmes composées d'innombrables stands. Dire que ce complexe est immense est peu dire car en réalité, il est vraiment gigantesque mais je ne peux malheureusement pas vous donner d'éléments photographiques pour appuyer mes dires. En effet, les photos sont strictement interdites là-bas pour la simple et bonne raison que les marchands n'apprécient pas vraiment qu'on immortalise leurs sacs Vuitton à 10 euros ou leurs chaussures Adidas à 15 euros. Cependant, comme je dois retourner là-bas ce vendredi, j'essaierai de prendre en photo au moins l'extérieur des bâtiments.
En dehors des contrefaçons (d'ailleurs, plutôt bien réussies), on peut trouver à cet endroit un large éventail de manteaux (laine et fourrure essentiellement), chaussures, gants, bonnets, écharpes, pulls... En fait, il est assez bizarre d'observer que les contrefaçons à bas prix côtoient des articles de luxe comme les manteaux de fourrure (dont les prix sont grossièrement compris entre 200 et 2600 euros). Cela étant dit, il est également possible de trouver des articles de bonne qualité pour un prix légèrement inférieur aux prix français.
Je ne peux pas faire un article sur ce
marché sans vous expliquer comment se déroule la vente:
Vous effectuez d'abord un premier tour lors duquel vous vous faites interpeller
par les vendeurs les plus entreprenants: "Dievouchka (sens premier:
"jeune fille" mais fonctionne pour héler des "jeunes filles" d'un âge
avancé. De l'ordre de la cinquantaine bien pesée :D), manteaux pas
chers, grande collection". Après ce repérage, vous
regardez de plus près les articles et modèles vendus dans chaque stand
puis, point important, vous jaugez le vendeur.
Quand enfin vous vous lancez sans filet dans l'arène d'un stand, le marchand vous fait essayer l'article choisi tout en parlant volubilement. D'ailleurs, dans un sens, ils sont beaucoup plus diplomates que les commerçants français parce que même si vous ressemblez à un sac à patates, ils vous couvriront d'une sauce dégoulinante de flatteries éhontées. Donc, pendant que vous composez un faciès consentant, hésitant ou désapprobateur, vous prêtez une oreille plus ou moins attentive aux flagorneries que débite le vendeur: "Comme vous êtes belle dans ce manteau, comme vous êtes jolie, la coupe vous va à ravir, etc".
Vous êtes tombé(e) amoureu(se)x de l'article de vos rêves, vous pouvez maintenant accéder au niveau supérieur: le marchandage (ou pour les timides, passer directement à la case paiement). En général, une fois que le marchand a annoncé son prix, si votre instinct vous a poussé vers quelqu'un de suffisamment sympathique, vous avez une petite marge de manoeuvre pour faire baisser le prix de l'objet de votre convoitise. Le principe du marchandage est le même que partout sauf que là, il se fait en russe donc vous devrez réviser comment dire vos nombres :).
Le marchandage semble faire partie du
jeu et il occasionne parfois du marchandage de principe (pour 10
roubles, soit 30 cts). J'ai trouvé ce côté vraiment sympathique parce
que même si vous vous êtes fait arnaquer sans le savoir,
vous avez le coeur content et l'impression d'avoir gagné. Enfin, au
sujet de l'arnaque, je suis mauvaise langue parce que je ne pense pas
m'être fait pigeonner comme le pensent tous ces glands d'étrangers qui n'y connaissent rien. Non, allez, j'arrête mes perfidies :).
Dernier aspect de la vente ou du simple essayage, j'ai l'impression que les marchands n'ont pas vraiment l'habitude de voir des étrangers donc ils se montrent assez curieux et sympathiques, ce qui amplifie encore la sensation de cordialité ressentie lors de ce plongeon dans l'univers des marchés.
Bon, enfin, voilà, bilan des courses: je suis revenue avec un long manteau que j'ai finalement pris en laine vu le prix du poil (fruit du marchandage: -10 €), des bottes fourrées (fruit du marchandage: -15 €), un chapeau en laine et une écharpe (fruit du marchandage: -4 €) et une paire de gants en cachemire.
Pour couronner le tout, cette crise d'achat compulsif s'est déroulée sous un ciel tout bleu et un soleil éclatant, éléments naturels que je n'avais pas vus depuis des jours, ça fait plaisir.
En conclusion, c'était rigolo, sympathique, enrichissant et chaleureux malgré la température négative. Mon portefeuille va mettre quelques temps à s'en remettre mais je être contente :).