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Cayou à Moscou
13 octobre 2007

Le Transsibérien - Jour 7 - Partie 1 - Pour moi, ce sera un Irkoutsk - Khoujir via Collision !

Les premières lueurs du soleil poignent tout juste lorsque la sonnerie stridente d'un réveil se fait entendre au rez-de-chaussée d'un motel d'Irkoutsk. Dans leur chambre, une escouade de trois Français, extirpés brutalement de leur sommeil, commence à remuer sous les couvertures avec quelques grognements.

Première du trio à émerger, je vais goûter avec délice aux bienfaits d'une douche matinale revigorante dans la cave de bains du motel. Quand je reviens propre comme un sou neuf (modulo les moisissures des douches), mes deux compagnons de voyage consentent à quitter leurs lits et à envisager la possibilité d'un petit décrassage.

Tous trois frais comme des gardons, nous quittons le motel Rossa aux alentours de 8h30, direction la gare routière où nous devons prendre l'autobus de 10h pour Khoujir. Ne tenant pas à louper une deuxième fois ce bus, nous avons vu large au niveau du timing, ce qui nous fait attendre quasiment une heure à la gare routière. Qu'importe, nous en profitons pour aller chasser notre petit déjeuner dans une supérette puis le dégustons installés sur les bancs de la plate-forme 5 de laquelle partira notre autobus.

Le sang rechargé en sucre de Badock lui monte au cerveau et en fait jaillir une idée lumineuse. Badock vient de s'apercevoir qu'il n'a quasiment plus d'argent liquide et il réalise qu'il n'y aura peut-être pas de distributeurs de billets sur l'Ile d'Olkhon, ce qui est plutôt probable vu que les habitants de l'île n'ont l'électricité que depuis 2005. Mon spoutnik part donc en quête d'un distributeur. Seul. Parce que la digestion, c'est sacré.

Mathieu lit sur le banc pendant que j'observe d'un oeil amusé la vie grouillante qui papillonne autour de la gare routière. Nous sommes vendredi et certains vont visiblement passer le week-end sur les rives du Lac Baïkal, équipés de tentes, de bouées, de sacs à provisions, de gamins qui braillent, de ballons et, comme nous nous en apercevront plus tard, de larges réserves de vodka.

Les allées et venues incessantes des taxis soulèvent la poussière de l'esplanade de la gare routière. Dans un coin, un petit homme rougeaud prépare des chachliki (brochettes de viande). Derrière la gare, une grosse dame vêtue d'une blouse bleu turquoise vide les balayures de sa pelle métallique dans un carton qui fait office de poubelle. Dans la cour, les chauffeurs de car s'affairent autour de leurs véhicules pendant qu'une foule bigarrée descend de minibus jaunes ou blancs.

Il est 9h45 lorsqu'un beau bus jaune, l'Olkhon-express, se gare devant la plate-forme 5. Et toujours aucun signe de Badock. Notre chauffeur descend nonchalamment de son autobus, un mégot mouillé aux lèvres. C'est un homme d'une quarantaine d'années au visage grêlé, le sourire tout en or et une casquette blanche sur la tête. Il charge nos sacs dans les soutes puis Mathieu et moi attendons Badock, un peu inquiets de ne pas le voir revenir. Il arrivera à 9h55, son air satisfait indiquant qu'il a trouvé un distributeur à sa convenance.

Nous choisissons nos places dans le bus. Une famille de Russes allant visiblement passer quelques jours au bord du Baïkal monte dans le car, non sans encombres vu leur volumineux chargement. A 10h10, le chauffeur met les gaz et fait vrombir le moteur de son bolide.

Nous tournons une trentaine de minutes dans divers échangeurs d'Irkoutsk avant de nous retrouver dans une campagne quasiment vide de toute habitation. De temps en temps, un hameau surgit au loin mais le paysage déroule la majorité du temps d'immenses prairies vertes, parsemées ça et là de fleurs des champs jaunes ou oranges. Il fait un temps splendide et on a l'impression de circuler dans un fond d'écran d'ordinateur (geek mode) tant la nature est belle.

La route est parfaitement droite et est juste longée de pylônes électriques. Nous roulons dans la plaine  pendant un long moment. Nous passons ensuite une chaîne de collines et la route serpente alors au milieu d'une forêt de conifères aux troncs rectilignes. Le bus peine à monter les côtes et sa vitesse ne doit pas excéder les 15 km/h. Le car finit néanmoins par franchir plusieurs "cols" et retrouve son rythme de croisière en rejoignant une nouvelle plaine. On n'y voit rien d'autre que le ruban gris de la route qui coupe de spacieuses étendues vertes.

Comme j'ai beaucoup de chance, j'ai réussi à appuyer sur le déclencheur à l'instant même où notre bus a dépassé un agent de la DDE russe. Le seul et l'unique vu le long de la route qui traversait cette plaine vide de toute influence humaine. Donc, sur la seule photo non floue que j'ai prise de cette plaine, il y a un petit homme orange qui vient infirmer mon affirmation. Désolée.

Nous roulons encore un moment avant de faire une halte repas-pipi pendant une demi-heure à l'aire de Bayandaï. Aire équipée d'une station-service, de quelques petites baraques qui font office de restaurant et de toilettes sommaires (un trou dans une planche. Un côté pour les hommes, un côté pour les femmes et pas de porte).

Après l'habituelle séance photo et l'immortalisation d'un énorme scarabée qui avait attaqué Badock, je vais prendre mon déjeuner : une solianka (soupe aux cornichons et à la viande) et un mets bouriate, les "posi", qui ont approximativement la forme de pommes duchesse en un peu plus gros et qui sont constitués d'un fourrage à la viande enchâssé dans une pâte blanche un peu gluante. Comme le bus menace de repartir, je donne la dernière bouchée de posi à une chienne qui vient visiblement de mettre bas vu ses mamelles pendantes et je remonte dans le car.

L'autobus redémarre. Rapidement, je commence à m'assoupir sur mon siège. Je suis presque endormie lorsque j'entends un grand bruit suivi par une pluie de petits morceaux de verre qui s'abat sur le bus. Comme je viens de me réveiller et que je n'ai pas encore les idées très claires, ma première pensée est qu'un avion a fait tomber l'une de ses vitres. Quelques secondes plus tard et à la vue des visages consternés des passagers, je reprends mes esprits et comprends que nous venons d'heurter une voiture.

Le car s'arrête sur le bas-côté 400 mètres plus loin. Les passagers se précipitent hors du véhicule pour secourir le conducteur de la voiture. Certains portent une trousse de premier secours, d'autres ont pris une hache pour une éventuelle désincarcération. Nous courons héroïquement vers le lieu de l'accident, comme dans Alerte à Malibu, sauf que nous ne sommes pas en maillots de bain rouge taille XS et que nous n'avons pas le corps lifté, collagéné ou siliconé.

Arrivés sur place, nous trouvons le conducteur hors de sa voiture. Il est indemne et n'a même pas une égratignure. Par contre, on ne peut pas en dire autant de sa voiture... Elle s'est échouée dans un champ en contrebas après plusieurs tonneaux.

Une fois rassurés sur l'état de santé du conducteur, nous lui demandons ce qu'il s'est passé. Il affirme ne pas avoir vu le bus à l'intersection. C'est vrai qu'un gros car jaune sur une route droite, ça peut passer inaperçu.

La vérité, c'est que l'homme était tellement bourré que lorsque les passagers de l'autobus sont arrivés sur les lieux de l'accident et qu'ils lui ont demandé s'il était seul dans sa voiture, il paraît qu'il leur a répondu "Je ne sais pas, allez voir". Des passagers lui font alors fait la morale en lui disant que c'était dangereux de conduire quand on avait autant bu et qu'il aurait pu se faire tuer (ça doit être la façon russe de réconforter les accidentés qui viennent de se faire défoncer leur voiture...).

Pendant que certains restent avec l'homme, nous rejoignons le bus pour savoir ce que nous faisons maintenant. Nous sommes dans une forêt, au milieu de nulle part, en pleine Sibérie et à 4 heures de route d'Irkoutsk. Le chauffeur, l'air bien embêté pour son bus qui en a tout de même pris un coup, nous informe qu'il nous faut attendre la police d'Irkoutsk.

Après une photo souvenir devant le bus accidenté (je sais que d'un point de vue moral, c'est discutable mais les Russes du bus ont insisté), certains passagers vont s'installer dans le bois qui longe la route et sortent deux bouteilles de vodka, des cornichons, de la saucisse, du pain, du fromage, du poisson séché et d'autres zakouski (trucs pour l'apéritif) pour fêter le fait que nous soyons tous en vie (la mentalité russe est parfois un peu étrange).

Badock, Mathieu et moi, restons d'abord à discuter devant le bus puis nous faisons connaissance avec Volodia qui partait camper seul au bord du Baïkal et qui nous invite à rejoindre les autres passagers pour porter un toast "za droujba" (à l'amitié).

Nous discutons avec les passagers. Ils semblent très gentils et ils sont visiblement très contents de rencontrer des Français. Chacun veut être pris en photo avec nous. Nous jouons le jeu, amusés, avant que les Russes décident de porter d'autres toasts "à la France", "à la Russie", "aux femmes", "au Lac Baïkal", "aux étudiants français", "au chauffeur du bus", "à la femme du chauffeur du bus" puis "aux deux bouteilles vides de vodka".

Alors que je retourne dans le bus afin de prendre du papier pour noter les coordonnées de certains de mes nouveaux amis, je m'aperçois que celui qui était mon voisin de devant pendant le trajet reste seul dans le bus en plein cagnard. Je m'approche de lui et lui demande s'il ne veut pas nous rejoindre. Il ne comprend pas très bien le russe alors j'embraye en anglais. Je finis par le convaincre de venir avec tout le monde.

Kim Joon Ho a 30 ans et il vient de Corée du Sud. Il a pris un mois de congé pour voyager jusqu'en Europe. Pas très facile de communiquer avec lui parce qu'il n'est à l'aise ni en russe, ni en anglais mais nous arrivons tout de même à nous comprendre.

Nous restons encore un moment tous ensemble dans les bois. Je goûte aux plaisirs des toilettes "made in nature" qui ont l'inconvénient d'être peuplées de taons pouvant piquer dans des endroits pour le moins incongrus. Dans ma grande mansuétude, je vous passe les détails.

L'accident a eu lieu vers 13h30 et il est maintenant 15h40. Nous sommes encore à une heure de route du Lac Baïkal, à 2h30 de route de Khoujir et nous ne savons toujours pas quand nous allons repartir. Par chance, une gazelle (minibus) passe et propose d'amener certains d'entre nous jusqu'à notre destination. Après consultation des autres passagers, il est entendu que Badock, Mathieu, Kim Joon Ho, Volodia, un Ouzbèque et moi-même prendront cette navette. Nous faisons donc nos adieux aux autres et les remercions pour leur gentillesse.

Notre nouveau chauffeur attache donc nos sacs sur la galerie du toit et "En voiture Simone", nous voilà repartis. Le paysage est toujours aussi beau mais il change, il est de plus en plus sec et paraît de plus en plus perdu avec un franc air de bout du monde. Nous traversons quelques hameaux désolés. Il y a des vaches au beau milieu de la route et au coeur d'un village, il y a même un homme qui a décidé de s'allonger sur la route parce qu'il était visiblement trop ivre pour continuer à marcher. Nous le contournons et continuons notre route.

L'Ouzbèque me jette des regards insistants. Mathieu me rapportera une conversation que Volodia et l'Ouzbèque ont eu à mon propos pendant le trajet. Apparemment, je plaisais bien à l'Ouzbèque. Tout s'explique.

Au bout d'un moment, la route n'est même plus goudronnée et nous circulons sur un chemin en terre. Notre passage soulève de grands nuages de poussière. Le long de la route, il y a parfois des étangs qui miroitent comme des yeux bleus au milieu des étendues arides couvertes d'herbe desséchée. Rapidement, les seules preuves visibles de la colonisation de l'être humain dans cet espace se réduisent au ruban de terre sur lequel nous circulons et à des pylônes électriques.

Le paysage est d'une pureté virginale et d'une beauté inimaginable. Il est presque 17h lorsque nous arrivons au bord du Lac Baïkal. Nous sommes maintenant à MRS (Sakhourta) d'où nous prenons un bac qui nous amènera nous et notre gazelle sur l'Ile d'Olkhon au bout d'une traversée de 20 minutes sur les eaux limpides du Baïkal.

Il ne se passe rien de spécial sur le bac, nous sommes simplement muets d'admiration devant la beauté du spectacle qui s'offre à nous. Nous posons les pieds sur l'île à 17h15. Ce que nous faisons après ça, c'est une autre histoire que je vous raconterai dans la partie 2.

Edit: comme d'habitude, je vous ai laissé des photos et leur nom commence par 'J7'.

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Commentaires
R
Ben dis-donc, passionnante cette nouvelle aventure, mais un peu stressante au départ...<br /> Hum, le conducteur accidenté, après ses tonneaux, n'était peut-être pas si indemne que ça, mais comme il avait l'air bien bourré, y sentait rien.<br /> Quant à l'ouzberck, bof !<br /> J'imagine bien les levers de vodka... Heu, je suppose que tu as très légèrement trinqué aussi...<br /> A quand la suite ?<br /> <br /> Gros poutou<br /> <br /> Au fait, j'ai sûrement la vue qui baisse pour avoir lu 36 et 37 au lieu de J6 et J7. Y piged... Mieux vaut tard que... bla bla bla
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