9 novembre: de Barikadnaya à l'Arbat

La météo étant frigorifique et floconneuse, je m'étais résolue à employer mon après-midi à mettre un peu d'ordre au chaos accumoncelé dans les 11 m² de ma cambuse.

Malencontreusement, mes velléités de rangement furent tuées dans l'oeuf par le mini-plan de Moscou qui traîne toujours au fond de ma gibecière. Il me regardait de ses petites pages cornées, l'air de dire "Il te reste moins de 9 mois pour explorer Moscou de fond en comble et je pourrais te guider sur le chemin de ta prospection". Ce petit tas pernicieux de papier continua ensuite de sa fluette voix démoniaque: "Il y a plus important que de faire ta lessive, ton ménage, ton rangement. J'incarne ton billet pour de nouvelles aventures, prends moi et partons coloscopier de concert la géante moscovite (Amis de la poésie, bonsoir ;P) !".

Ne pouvant rester sourde à un raisonnement aussi implacable, je me rangeai aux arguments de mon satanique petit plan, songeant que je ferais bien de l'emmener à l'occasion chez un exorciste en robe de bure de ma connaissance. Je pris en main le petit livret possédé pour que je, moi, mon surmoi, mon ego et moi-même puissions convenir de notre destination.

Avant de commencer à feuilleter ses diaboliques entrailles, j'avisais de mon oeil de taupe un zoo mentionné sur la parcelle de carte figurant sur la couverture de mon carnet cartographique ensorcelé. Des souvenirs fugaces des dernières et lointaines fois où j'avais posé mes illustres pieds dans un zoo me revinrent fugitivement à la mémoire et je me dis qu'après tout, pourquoi pas, cette destination était potentiellement attrayante.

Je me parai rapidement de mes pas plus beaux atours puisque vu le temps peu clément, ils finiraient infailliblement crottés et appareillai, cap à l'ouest, pour les horizons animaliers susnommés. En sortant de la station Krasnopresnenskaya (qui est en correspondance avec Barikadnaya. Pour des raisons évidentes de simplicité, j'utiliserai plutôt le nom de Barikadnaya.), la nuit avait déjà presque replié ses ailes noires sur la ville, la neige tourbillonnait, portée par les rafales de vent et le thermomètre affichait 0° tout rond.

N'ayant pas encore mangé de la journée, je m'adonnai aux joies peu salutaires de la junk food en m'offrant un "Frantsouzski khot-dog" (qui signifie "hot-dog français", comme vos esprits perspicaces l'auront compris, bien que je ne vois pas bien où se situe le côté français de ce truc...). Il s'agit d'une extrémité de pain ou plutôt, d'une croûte de pain longue d'environ 15 cm, rapidement réchauffée dans un petit four, remplie au choix de ketchup, moutarde ou mayonnaise et d'une saucisse longue de 20 cm (on peut choisir une saucisse "rouge", type knacki, ou une saucisse "blanche", dont le goût se rapproche du boudin blanc, ou encore une saucisse "rouge" enveloppée dans du bacon). Bon, bref, c'est un hot-dog et c'est diététique.

L'estomac rempli de ce cauchemar alimentaire, je gravitai une vingtaine de minutes autour de Barikadnaya pour m'orienter. Quand ma boussole interne défectueuse fut enfin aimantée vers la bonne direction, il était 16h45. Je m'avançai donc vers les murailles du zoo et vers sa tour d'entrée, digne des contes de fées et surmontée par une girouette-espadon du meilleur goût. J'arrivai à 17h05 devant le panneau indiquant la fermeture des caisses à 17h. J'essayai de me rassembler et de surmonter mon intense déception.

A titre d'exutoire à mes envies zoologiques insatisfaites, je décidai finalement d'explorer le quartier en remontant le boulevard Koniouchkovskaya pour rallier la Moskova et retrouver les rues du Nouvel Arbat et du Vieil Arbat. Avant de me mettre en route, je pris comme je pus sous la neige battante quelques clichés d'une tour qui dressait avec fierté son immensité stalinienne (d'ailleurs, je me demande si ces tours ne cachent pas que "le petit père des peuples" avait quelque chose à compenser...).

Je remontai ensuite d'un pas vif le boulevard mentionné ci-avant, longeant la "Maison du gouvernement de la Fédération de Russie", imposante, comme de nombreux édifices moscovites, située sur les rives de la Moskova et faisant face à un autre bâtiment stalinien construit sur l'autre rive. Arrivée à un immense carrefour en croix, mon sens de l'orientation très perspicace me dirigea vers la droite (alors que, comme je le réaliserai plus tard, la rue du Nouvel Arbat se trouvait à gauche...).

Je marchai une vingtaine de minutes sur un trottoir non goudronné et rendu bouillasseux par la neige, jouant à éviter la pénétration de la boue dans mes chaussures. Dénichant enfin un panneau indiquant le nom de la voie sur laquelle je me trouvai, je me rendis compte qu'il s'agissait du quai Krasnopresnenskaya qui me conduisait à l'opposé de l'endroit que je visais. Pour rectifier le tir, j'effectuai une rotation de 180° et revint sur mes pas.

J'arrivai enfin dans la rue du Nouvel Arbat encadré de part et d'autre d'immenses et hideux immeubles (vue plus ou moins aérienne ici et vraie vue aérienne sur Googli Maps là). Cette rue est une sorte de Champs-Elysées moscovite où se côtoient casinos, voiture de luxe et boutiques huppées (dans lesquelles les pulls Versace ne coûtent pas 3 euros...). En ce qui me concerne, je détestai le côté rupin-puant (l'argent n'a peut-être pas d'odeur mais les miasmes nauséabonds émis l'argent sale existent à mon avis) de cet endroit, par conséquent, je ne m'attardai pas.

Encore quelques photos sous la neige d'une église immaculée nichée entre deux tours disproportionnées et j'atteignis le carrefour qui joint l'extrémité des rues du Nouvel et du Vieil Arbat. Je fis un petit tour dans la rue du Vieil Arbat qui, contrairement à sa soeur, est une rue piétonne. Par contre, même si elle a des dimensions plus humaines, elle présente également des aspects fétides avec sa longue enfilade de boutiques et stands pour touristes qui proposent aux pigeons d'acheter des souvenirs à des prix prohibitifs.

Digression transversale: je voudrais préciser que je trouve l'expression "acheter des souvenirs" complètement débile. D'une part, parce que les "souvenirs" portent mal leur nom et devraient s'appeler "babioles de mauvais goût fabriquées à la chaîne dans des usines asiatiques". D'autre part, les souvenirs, au sens premier du terme, ça ne s'achète pas, ça se fabrique... Hum, malgré l'heure tardive, je m'enflamme toute seule, veuillez accepter, je vous prie, mes plus humbles excuses pour cet avis virulent et catégorique. Fin de la digression transversale.

Mon postérieur et mes cuisses commençant à geler, je décidai que la balade avait assez duré (2h30 dans la neige et le vent, ça suffit). Je fus surprise dans le métro par une pub pour la fécondation in vitro, qui doit être l'un des moyens que le gouvernement a trouvé pour pallier la perte de population qui touche la Russie depuis plusieurs années (voir ici, rubrique Démographie).

Je goûtais ensuite aux inénarrables joies du froid dans le métro lorsque les parties de mon anatomie nommées précédemment commencèrent à se réchauffer, engendrant brûlures, picotements et démangeaisons avant que de seyantes bosses dures et brûlantes ne se forment sur ma peau. Fort heureusement, je suis dotée de deux armes suprêmes contre ce genre de désagréments: une constitution solide et de la Biafine. Cela étant dit, j'ai compris la leçon et je crois que je serai plus sage la prochaine fois en endossant mon long manteau pour protéger mes points faibles des températures glaciales qui promettent d'être de vigueur pendant encore de longs mois.

Edit: les quelques photos sont là.

Comments

[cayou]

=======> Rasta

Oui, c'est con mais j'aurais pu m'en douter vue l'heure à laquelle je suis arrivée. Qu'importe,j'y retournerai un autre jour en écoutant mon plan (qui n'est pas foireux, je te signale).

Quant aux gelures de luc, non, rien de très grave, ça m'a rappelé des souvenirs des raids sous la pluie de ma période scoute. ;P

===========> Tarentule

Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une raie manta mais plutôt d'un animal marin primitif dont je n'arrive pas à retrouver le nom. C'est certes original mais ça n'est pas à mon goût...mais comme dirait ma philosophe ex-prof d'italien: "on ne discute pas des goûts et des couleurs" :)

[Tarentule]

J'ai vu en effet sur vos photos une surprenante girouette-espadon dominant la tour d'entrée du zoo, mais il y en a apparemment 6 autres plus petites. J'en ai identifié 3 : une sorte de raie manta, un serpent et un caméléon attrapant une proie.
Ma foi, je trouve ça plutôt original et pas si laid que ça...

[Rasta]

Ouais, c'est con le coup du zoo mais au moins, t'as vu la tour.
Voilà ce que c'est de se prendre pour Harry Potter et d'écouter un plan foireux !
Hum ! si je comprends bien, tu as testé pour nous la magnifique expression "se geler le c..".
J'espère que c'est pas trop grave quand même, je me moque pas méchant.